La résurrection du Seigneur est l’évènement central de notre foi chrétienne. Depuis la révélation du Dieu unique à Moïse au Sinaï rien ne s’était passé de comparable à la venue du Fils de Dieu parmi nous, à sa vie, à sa mort et finalement à sa résurrection que nous célébrons aujourd’hui. Raison de plus pour mettre la Résurrection au centre de notre foi personnelle comme elle est déjà au centre de la foi de l’Eglise.
Raison de plus aussi pour bien comprendre ce qu’est la Résurrection. A l’heure où tant de syncrétismes plus ou moins conscients menacent le message évangélique, il ne faut pas que les chrétiens s’imaginent faussement que la résurrection est un retour à la vie. La résurrection n’est pas une réincarnation. La réincarnation flatterait notre envie folle de ne pas mourir. Cette envie que la plupart des êtres humains nourrissent secrètement. Ce n’est pas notre véritable espérance ! La résurrection de Jésus - et la nôtre par conséquent - ce n’est pas le reprise de ce corps et le retour à la vie que nous connaissons. Quel intérêt, mon Dieu ? Quel intérêt y aurait-il à reprendre cette vie et ses misères ?... Pour recommencer indéfiniment dans une condition peut-être encore pire ?... La résurrection, c’est l’entrée dans la gloire du Père pour une vie qui ne finit pas. Echappant désormais à la mort pour toujours. Libérée des conditions matérielles que nous connaissons. Transfigurée.
Et c’est pourquoi - parce qu’elle est tout autre que ce que nous pouvons imaginer - la résurrection de Jésus n’a pas eu de témoins. Les peintres peuvent donc donner ici libre cours à leur imagination, mais ils ne peuvent reproduire aucun modèle ! La Résurrection n’a pas eu de témoins parce qu’elle ne pouvait pas en avoir. Lazare revenu à la vie de ce corps pouvait être vu par les siens et par n’importe qui. Il était rentré dans le cours normal de l’histoire de ce monde. Jésus entré dans la gloire échappait au contraire à l’histoire de ce monde, à la constatation des sens. La seule chose qui était constatable aux sens, c’était précisément ce qu’ont vu Pierre et Jean, après Madeleine, le tombeau vide et le linceul. Mais lui ressuscitant, non !
Ce que les disciples ont vu, ce n’est pas la Résurrection, ce sont les apparitions du Ressuscité. Ils ne les ont pas vues d’ailleurs avec leurs yeux du corps, mais avec les yeux de leur cœur illuminés par la foi.
Avez-vous remarqué que lorsque les disciples revoient le Seigneur pour la première fois - que ce soit Marie-Madeleine ou les disciples d’Emmaüs ou d’autres encore -, ils ne le reconnaissent pas. C’est sans doute le signe du changement intervenu en lui par son entrée dans la vie immortelle, mais c’est aussi le signe qu’il faut autre chose qu’une vue simplement physique pour accéder à lui désormais. Jésus ressuscité n’est pas vu comme on verrait un arbre ou une montagne ou une personne ordinaire. Il n’est pas vu, il se fait voir, il se montre et se donne à reconnaître. C’est lui qui prend l’initiative. Il appelle Marie par son nom. Il rompt le pain pour les disciples d’Emmaüs et c’est alors que leurs yeux s’ouvrent…
Pour nous qui célébrons la Résurrection aujourd’hui, il y a beaucoup de choses qui sont différentes d’avec la condition des premiers disciples. Je ne parle pas des changements de civilisation. Plus profondément, nous n’avons pas la grâce d’accéder, même dans la foi, à la vue du Ressuscité et d’entendre ces ultimes entretiens qui achèvent la formation de leur être de disciples. Mais il y a au moins une chose qui est commune entre eux et nous, et c’est précisément notre foi au Seigneur ressuscité. Le fait que nous vivons par lui, par la grâce qu’il nous donne. Le fait qu’il est le centre de notre vie, l’objet de notre amour, la joie de notre cœur…
Il ya justement dans l’Evangile une chose qui exprime précisément cette communauté entre eux et nous. Le rôle de Marie-Madeleine. Une femme ! C’est elle qui reçoit la première apparition du Seigneur ressuscité. Les apôtres ne viendront qu’après. Pères de l’Eglise et théologiens se sont interrogés sur la priorité de cette femme. A juste titre ils y ont vu plus que la récompense de la fidélité ou un signe d’affection. Ils ont vu en elle la figure de l’Eglise tout entière, représentante de toute la communauté des disciples à venir. Le Seigneur a réservé ses premières apparitions à l’Eglise aimante et priante, à cette communion dans l’amour qu’il avait rassemblée dès les premiers jours et qui l’accompagnait sur les routes de Palestine. Aujourd’hui encore c’est dans la mesure où nous sommes membres de cette Eglise, corps du Christ, que nous pouvons bénéficier de la foi au Ressuscité et être nourri de son corps. Puisse le Seigneur nous y garder toujours ! Amen