« Mais délivrez-nous du mal »
Cette dernière demande est présentée, dans le catéchisme du Concile de Trente comme « un abrégé qui renferme en substance la force et l’esprit de toutes les autres demandes »
Cela se conçoit : avoir imploré et surtout obtenir la protection de Dieu contre le mal : voilà de quoi nous laisser tranquille et en sûreté. Mais sans doute aussi cette demande nécessite-t-elle d’être bien comprise pour être bien formulée.
Nous examinerons successivement : -les maux desquels on demande la délivrance, -comment on doit demander d’en être délivré, -quelle conduite tenir dans le cas où certains maux sont inévitables.
1°) Quel est ce mal dont nous demandons d’être délivrés ? Nous avons à prendre garde d’une fausse notion du mal qui nous ferait considérer comme mal tout ce qui nous dérange, nous contrarie, nous pèse. Nous avons considéré dans la demande précédente que nous pouvons être éprouvés en vue du bien : il ne peut donc être question de se faire dispenser par Dieu de toute épreuve…à quoi servirait alors la recommandation de Jésus « de prendre la Croix chaque jour et de le suivre » ?
Nous nous bornons à conjurer par la Prière ces sortes de maux sans profit pour notre âme et dont certains, même, lui seraient dommageables. Pour connaître ces maux il suffirait de parcourir les supplications des litanies des Saints, ou de multiples oraisons du Missel ou du Rituel romains qui implorent le Seigneur de nous délivrer par exemple : des ravages de l’eau, du feu, de la foudre, de la grêle, – des horreurs de la famine, de la sédition, de la guerre, - des atteintes de la maladie, de la peste, - du poids des chaînes, de la prison, de l’exil, des trahisons.
Evidemment que Dieu anéantisse toutes les causes d’iniquité et de crimes : la colère, la haine, la volonté mauvaise, la fornication.
Nous supplions de ne pas connaître la mort subite et imprévue, de ne pas soulever la colère et la réprobation divines, de ne pas encourir les châtiments éternels de l’enfer et de ne pas même passer par le feu du Purgatoire, en même temps que nous réclamons la libération des âmes qui y sont détenues (il est bon de s’en souvenir en ce mois consacré spécialement à nos morts)
Nous devons aussi demander que ce que l’on regarde généralement comme des biens : les richesses, les honneurs, et même la santé, la force et jusqu’à la vie, ne tournent point à notre malheur ni à la perte de notre âme.
Certains saints ou auteurs spirituels ont fait remarquer que l’on demandait à Dieu d’être délivré du mal (au singulier ) et que ce mot pouvait alors désigner le démon, instigateur et auteur du mal. Cette remarque paraît justifiée : Dieu se sert du démon pour punir les impies et en général les pécheurs : on doit, en effet, penser que c’est le mal suprême que de tomber sous la coupe du diable (que Jésus appelait le Malin, au sens fort de ce mot, c’est-à-dire celui qui fait le Mal)
Il faut se rappeler encore que Satan mène une guerre sans relâche contre nous, sa haine mortelle nous poursuit : que Dieu nous en délivre !
Enfin, on tiendra compte de ce que les adversités, les injustices que nous souffrons de la part du prochain sont, elles aussi, imputables au démon, ce qui nous engage plutôt à tourner notre colère contre Satan que contre nos frères et, en tous cas, à prier pour eux afin de les arracher à ses mains ! C’est ce que nous accomplissons par exemple quand nous prions pour les chrétiens persécutés et que nous ajoutons une intercession pour leurs persécuteurs.
2°) Examinons à présent comment on doit demander d’être délivré du mal.
Comme nous sommes continuellement entourés de misères, que nous nous sentons habituellement menacés : il ne paraît pas nécessaire d’encourager à demander à Dieu d’être délivré de tous les maux dont nous avons parlé. Nous sommes naturellement portés à recourir à Dieu au temps de l’épreuve ou de la crainte. Cependant, il faut alors respecter l’ordre établi par Jésus lui-même : autrement dit, ne pas oublier les autres demandes que le Pater nous fait adresser au Père du Ciel. Si nous oublions sa Gloire, son Règne, sa Volonté, notre prière devient une sorte d’assurance égoïste sollicitée pour nous mettre à l’abri du danger.
En tout, il faut considérer dignement le Seigneur. On le prie parce qu’il est le « principal refuge, et, à vrai dire, le seul soutien ». Rien ne le remplace, et s’il est permis de faire usage des secours humains, on se souviendra qu’en définitive, tout est dans sa main et qu’ainsi c’est toujours lui qui sort glorifié dans ses œuvres et dans ses décisions.
D’autre part, qu’on n’aille pas non plus déconsidérer la Puissance de Dieu. On entend souvent dire devant la maladie « aujourd’hui la médecine est grande » comme si on pouvait se passer de la Puissance de Dieu qui seul a donné aux matières composant les remèdes leurs propriétés curatives. Le mot du père de la chirurgie, le fameux docteur Ambroise Paré, reste célèbre et contient la plus élémentaire vérité : il disait en soignant ses malades : « Je le pansai, Dieu le guérit »
3°) Terminons par la conduite à tenir devant les maux inévitables.
Celle-ci nous a été tracée par NS lui-même. C’est par la patience que vous sauverez vos âmes : la patience, cette vertu qui permet de soutenir, de supporter, d’endurer les choses adverses.
« Ne devons-nous pas regarder comme utiles et salutaires les choses que Dieu approuve et non pas celles qui nous plaisent ? » C’est St Paul qui après avoir été lapidé et laissé pour mort à Lystres exhortait ses chrétiens (tout autre langage serait un langage de facilité et donc de dissimulation, de tromperie) : « c’est à travers beaucoup de tribulations qu’il nous faut entrer dans le Royaume de Dieu ». Tous les saints ont compris cela qui n’ont pas encouru le reproche de St Bernard : « Il est honteux que les membres soient délicats sous un Chef couronné d’Epines » (St Bernard Sermon de Omnibus Sanctis)
En achevant notre entretien sur le Pater, nous entendrons, dans la forte certitude de l’Espérance, l’Apôtre St Pierre : « Le Dieu de toute grâce, qui vous a appelés à sa gloire éternelle dans le Christ, quand vous aurez un peu souffert, achèvera lui-même son œuvre, vous affermira et vous fortifiera. A lui la gloire et la puissance, dans les siècles des siècles. Amen »