Pour aucun chrétien le nom de Saint Augustin ne doit être ignoré. Après les Apôtres, fondement et colonnes de notre foi, St Augustin élève dans l’Eglise la voûte majestueuse de ses enseignements. On est confondu par la somme de travail que représentent ses écrits, quand on connaît, en outre, son activité pastorale et qu’on sait qu’il n’entra dans la foi catholique qu’à l’âge de 32 ans à quelques mois près. Il ne peut être question de raconter son histoire dans le détail : né d’un père païen et d’une mère chrétienne, celle que nous nommons maintenant Ste Monique, il fit d’abord ses études élémentaires dans sa ville natale, Tagaste, au sud de la ville algérienne actuelle de Bône. Avant d’aller achever ses études à Carthage, il se perdit de mœurs durant une année d’oisiveté, et ensuite dans la fréquentation des étudiants de Carthage. Il vécut librement avec une femme à laquelle cependant il resta fidèle et qui lui donna un fils Adéodat, lequel sera baptisé plus tard en même temps que lui par St Ambroise, évêque de Milan. Il arriva dans cette ville comme professeur de rhétorique après avoir d’abord exercé en Afrique, puis à Rome. Professeur dès l’âge de 20 ans, tous les espoirs lui étaient permis. Mais Augustin se peint lui-même dans le livre fameux connu sous le nom de « Confessions » avec ses vices, sa chute dans le manichéisme (cette curieuse doctrine qui ne reconnaît que la matière, Dieu lui-même en faisant partie, qui tire l’âme de la substance divine et affirme le mal comme un principe vivant opposé à Dieu). Sa mère souffrit terriblement de la conduite de son fils qui pourra plus tard affirmer que se larmes et ses prières auront grandement contribué à sa conversion.
Celle-ci commença de s’opérer quand Augustin entendit les prédications de St Ambroise. Mais il y avait des liens redoutables à trancher : un retour de l’esprit par l’abandon du manichéisme, un retour de la volonté par l’abandon de la vie dissolue.
St Augustin rapporte que dans son jardin où il se débattait contre les emprises de son passé, il entendit tout à coup une voix juvénile qui lui répéta plusieurs fois « Prends et lis ! prends et lis ! » Il se leva, s’étant d’abord imaginé qu’il pouvait être question d’un brusque souvenir de ses jeux enfantins de jadis, et se dirigea vers le livre des Epîtres de St Paul qu’il avait laissé à quelque distance un peu plus tôt. Il l’ouvrit donc au hasard et tomba sur ce texte « Ne vivez pas dans la ripaille et l’ivrognerie, ni dans les plaisirs impudiques, ni dans les querelles et les jalousies, mais revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ et ne pourvoyez pas à la concupiscence de la chair »…A Peine avais-je fini de lire cette phrase qu’une espèce de lumière rassurante s’était répandue dans mon cœur, y dissipant toutes les ténèbres de l’incertitude. »
La conversion ici est un coup de la grâce : rien d’autre ne l’explique : c’est un miracle moral, d’autant qu’Augustin renonça aussitôt au mariage que sa mère avait préparé pour lui afin de lui faire prendre une vie régulière, - et il se donna désormais et pour toute sa vie à la perfection. Nous étions au début d’août 386. Au Carême de 387, il se préparait au baptême, reçu en la fête de Pâques. A l’automne, il voulait se rembarquer pour l’Afrique quand sa mère mourut au port d’Ostie. L’année suivante, il vendait tous ses biens, se fixait à Tagaste avec des amis et commençait à mener une vraie vie monastique, sans oublier la formation de son fils qui avait atteint ses 17 ans. Le vieil évêque d’Hippone avait besoin d’un coadjuteur : le peuple désigna spontanément Augustin qui fut ordonné prêtre et qui 5 ans plus tard devenait évêque du lieu : il avait 42 ans. L’activité de St Augustin ne connut plus de bornes jusqu’à l’an 426, 4 ans avant sa mort, où il se ménageait une retraite partielle. Hélas elle ne fut guère effective : déjà les Goths de l’armée impériale avaient fait leur apparition à Hippone avec un évêque arien. Les Vandales, barbares féroces et eux aussi gagnés à l’arianisme mettaient le siège devant Hippone : siège de 18 mois. Au bout du 3ème mois, St Augustin mourait, assistant à l’effondrement de la puissance impériale, mais pacifié par le désir de cette Vie immuable qui était le tout de son âme et que pendant 10 jours il réclama sans interruption dans une dernière prière qui semblait se prolonger à l’infini. Il avait 74 ans : on était le 28 août 430.
Parmi la somme écrasante de ses écrits, St Augustin a laissé un ouvrage célèbre : La Cité de Dieu.
« Deux cités, dit-il, ont été bâties par deux amours : l’une terrestre, par l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu ; l’autre céleste, par l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi. »
Peut-on en moins de mots et avec une pensée plus claire présenter l’histoire du monde qui devient une histoire individuelle quand il s’agit pour chacun d’entrer dans l’une des deux cités.
Nous nous en tiendrons à ces indications. Notre foi nous fixe le choix, notre espérance soulève nos énergies pour nous donner l’entrée dans la cité de Dieu. Notre amour de Dieu devra, comme pour St Augustin nous faire mépriser tous les obstacles personnels des sens, de l’esprit, du cœur, pour trouver le bonheur. C’est cela le bonheur : se réjouir de vous Seigneur, pour vous, à cause de vous ; c’est cela et il n’y en a point d’autre. Amen