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11 avril 2023 2 11 /04 /avril /2023 06:18

   La basilique du Sauveur, près de laquelle, depuis le Ve siècle, les Souverains Pontifes établirent leur résidence ordinaire, réclame aujourd’hui l’honneur des rites par lesquels l’Église commence précisément en ce jour la solennité pascale. Autrefois, il y avait trois messes ; une le matin, pour la réconciliation des pénitents publics ; une autre pour la consécration des saintes Huiles destinées à l’onction des infirmes et au Baptême ; la troisième enfin, vers le soir, pour la commémoration de la Cène du Seigneur et la communion pascale. On comprend donc pourquoi au lieu de célébrer la station à Saint-Pierre, qui était alors en dehors de l’enceinte de la Ville, on la tenait, plus commodément, au Latran.

   Actuellement, le rite est moins complexe, et la discipline de la pénitence publique étant tombée en désuétude, l’on consacre les saintes Huiles à la messe du matin, quand cette cérémonie n’est pas déplacée pour plus de commodité !

   La triple synaxe que célébraient nos pères leur avait toutefois suggéré à eux-mêmes un prudent raccourcissement de la cérémonie, et nous apprenons par les documents du VIIIe siècle que la troisième messe commençait directement par la préface, les lectures, les psaumes et tout ce qui précède habituellement la prière consécratoire, ou canon, étant omis. C’est pourquoi, dans notre missel, toute la première partie de la messe du jeudi saint manque d’éléments propres, et glane dans d’autres messes les morceaux qui la composent.

   Nous avons entendu la lecture d’un passage de la lettre de saint Paul aux Corinthiens (I, II, 20-32) sur l’institution du sacrement de l’Autel et sur les dispositions d’âme et de corps requises pour y participer dignement. Cette lecture a déjà été faite à l’office nocturne mais il convient de la répéter, car sa place naturelle est précisément à la messe du jeudi saint. A Corinthe, à l’occasion du banquet commun où, selon l’exemple du Sauveur et la toute première discipline apostolique, se consacrait alors l’Eucharistie, cet abus s’était introduit que les riches ne pensaient qu’à eux-mêmes et laissaient par derrière les pauvres et les retardataires. Cela, observe l’Apôtre, n’est plus la Cène du Seigneur, mais ressemble par trop à ces banquets en usage dans les confréries religieuses païennes qui avaient aussi des repas collectifs. Il s’agit moins de satisfaire aux besoins du corps que de conserver intacte la signification sacramentelle de la Cène où l’on célèbre en commun le sacrifice commémoratif de la mort du Seigneur et où l’on y participe ensemble. Que chacun donc scrute sa conscience, afin que le pain de vie, mangé indignement, ne devienne pas une cause de mort et de condamnation.

   La messe est donc, selon l’enseignement de l’Apôtre, un véritable et propre sacrifice commémoratif de celui du Calvaire, c’est-à-dire de la mort du Seigneur. Nous devons par conséquent y prendre part avec une foi vive et avec reconnaissance, dans la mesure où nous voulons bénéficier des effets de la rédemption. Il appartient au rite du sacrifice qu’on y participe moyennant la manducation de la victime. Chez les anciens peuples, on entendait signifier par ce banquet final la relation intime existant entre la victime sacrifiée et les fidèles, au nom de qui elle était offerte à la divinité. La victime se substitue à celui qui l’offre, et, en conséquence, celui-ci mange une part de cette victime pour s’incorporer à elle qui, légalement, le représente. De plus, le banquet du sacrifice a un caractère sacré, et symbolise la réconciliation de la divinité avec l’homme, à ce point que l’un et l’autre s’assoient amicalement ensemble à table.

   Dans la sainte messe, le prêtre doit nécessairement participer à la sainte victime moyennant la communion sacramentelle. Aux simples fidèles il suffit de s’y associer par la communion spirituelle ; mais il est dans l’esprit et dans les désirs ardents de l’Église qu’eux aussi, s’ils le peuvent, prennent part au Sacrifice, en recevant réellement la sainte communion « en mémoire de la mort du Seigneur ».

   La lecture de saint Jean rapporte le lavement des pieds, et n’étant guère en relation avec le mystère eucharistique, elle accuse son caractère d’addition postérieure. Primitivement cet épisode se lisait le mardi saint.

   Jésus voulut laver les pieds de ses disciples, soit pour nous donner un exemple, et même un commandement, d’humilité réciproque, soit pour nous apprendre avec quelle souveraine pureté nous devons nous approcher de lui : « Qui sort du bain n’a besoin que de se laver les pieds. » Pour être digne de son amitié, il ne suffit pas d’avoir l’âme pure du péché mortel, mais il convient aussi de le détester en arrachant du cœur tout ce qui n’est pas Dieu.

 

   Le pardon aux pénitents, le chrême du Paraclet sur le front des baptisés, l’huile de consolation sur les membres des moribonds, la divine Eucharistie dans le cœur de tous les fidèles : que de mystères ineffables de miséricorde en ce jour de la Cène de Jésus, où Il épanche le trop-plein de son Cœur, et, quoique nous ayant toujours aimés, in finem dilexit, Il nous aima éperdument, jusqu’à la croix, jusqu’à la mort !

   Pour conclure, empruntons à la liturgie grecque le texte suivant, relatif à la fête de ce jour : « Approchant tous avec crainte de la Table mystique, recevons le pain avec une âme pure et ne nous séparons pas du Seigneur, afin que nous voyions comment il lave les pieds des disciples et que nous fassions ainsi que nous aurons vu, soumis les uns aux autres, lavant les pieds les uns des autres. Car le Christ l’a ainsi commandé à ses disciples, mais Judas, le serviteur perfide, ne l’a pas entendu. »  Amen

 

 

 

 

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26 mars 2023 7 26 /03 /mars /2023 17:24

   Avec St Bernard, au terme de notre périple quadragésimal, nous parvenons à la région du CIEL ! et précisément en ce temps de la Passion et de la Mort de NSJC qui nous en a rouvert l’accès !

   Le mot ‘Ciel’ s’applique d’abord à la voûte céleste qui, par son immensité et sa clarté, se trouve être toute indiquée pour désigner la réalité mystique et mystérieuse du séjour bienheureux des Anges et des Saints avec Dieu. Hélas ! beaucoup de gens ne croient pas plus au Ciel qu’à l’Enfer ! Le Ciel porte encore le nom de Paradis, qui signifie « jardin de plaisance », dénotant bien l’attrait que peut avoir le lieu de la béatitude. Notre-Seigneur parle volontiers du « Royaume des Cieux ».

   Comment se présente-t-elle, cette région du ciel ? St Bernard devient lyrique : « C’est un lieu de plaisir, où les justes sont abreuvés du torrent de volupté, un lieu de clartés, où les saints brilleront comme la splendeur du firmament ; un lieu d’allégresse, où ils seront comblés d’une joie éternelle ; un lieu d’abondance, où rien ne manque à ceux qui jouissent de la vision béatifique ; un lieu de délices où le Seigneur fait ressentir sa douceur à tous les bienheureux ; un lieu de paix…un lieu d’admiration ; un lieu de satiété…un lieu de vision… »

   Qui va au Ciel ? Ceux qui y sont appelés…Jésus ayant offert sa vie pour le salut de tous les hommes, tous les hommes sont sauvés en principe, et donc tous devraient se retrouver au Paradis. Ce n’est pas si simple, vous le savez…car il nous faut, chacun, répondre à un appel exigeant : la voie étroite qui demande une ascèse (épître 3ème dim de Carême), et l’apprentissage de la contemplation, dans l’état de grâce, l’esprit de prière, la charité parfaite. Et puis l’homme a la liberté de refuser l’amour que Dieu lui porte.

   Que trouvera-t-on au Ciel ? eh bien, « l’état de perfection fait de la réunion de tous les biens ».

   Nous avons dit qu’en Enfer comme au Purgatoire, il y avait une double peine : celle du dam et celle du sens. Ici, il y aura une double béatitude : 

–la vision béatifique, ou béatitude de l’âme en présence de son Dieu. Alors l’activité des vertus intellectuelles et morales que nous avions sur la terre trouvera son plein rassasiement dans une connaissance qui exclura toute ignorance de ce qu’il leur convient de savoir et qui exclura aussi toute erreur. Et nous jouirons aussi de l’amour des autres élus particulièrement de ceux avec qui nous avions des liens terrestres.

-la béatitude du corps : ce corps que nous retrouverons sera impassible (pas de souffrance), subtil (spiritualisé), doué aussi de clarté et d’agilité.

   « Que les yeux de vos désirs fassent le tour de cette bienheureuse région…Ainsi, après que vous aurez considéré des yeux de l’esprit des richesses si précieuses, que tout le trésor que vous amasserez soit L’AMOUR de DIEU ». Comment mieux finir notre Carême qu’en nous remettant à plein cœur à cet apprentissage de notre vie céleste où la foi et l’espérance auront disparu, mais où la CHARITE demeurera à jamais ?

   Il serait prétentieux de vouloir donner ici la liste des moyens permettant d’AIMER DIEU ! St Bernard affirme « la véritable manière d’aimer Dieu, c’est de l’aimer sans bornes et sans limites »

Précisons simplement quelques points selon les ‘degrés’ auxquels on veut parvenir, ou auxquels on sent le besoin d’accorder plus d’attention pour exciter en soi l’AMOUR de DIEU :

-l’amour pénitent=produit la contrition des péchés et le rejet de nos manquements les plus habituels et les plus marqués.

-l’amour de conformité à la volonté divine=conduit à l’obéissance aux commandements divins et au support des épreuves.

-l’amour de complaisance=se nourrit de la méditation des perfections de Dieu et les attire en nos vies.

-l’amour de compassion ou de condoléance=contemple Jésus souffrant et cherche à le consoler.

-l’amour de bienveillance=travaille à glorifier Dieu en soi-même et à le faire glorifier dans les autres et par les autres.

 Puissiez-vous revivre en ces jours la Passion du Seigneur qui nous sauve pour nous conduire tous ensemble dans son royaume, le Ciel. Amen

 

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19 mars 2023 7 19 /03 /mars /2023 18:13

« Je me suis réjoui de ce qui m’a été dit : Nous irons dans la maison du Seigneur. » (Ps 121/1)

   Eh bien ! sans doute nous aura-t-il tardé de sortir de cette ‘région de l’ENFER’ en laquelle nous a maintenu le nécessaire commerce de la haine du péché, auquel nous conviait St Bernard dans la semaine écoulée ! Oui nous allons en sortir, mais si je souhaite à tous (et à moi-même) une fidélité suffisante à la volonté et à l’œuvre du Seigneur pour éviter sa réprobation éternelle, je n’oserai pas m’avancer à vous faire cadeau de cette quatrième région par laquelle nous oblige maintenant à passer notre guide : le Purgatoire ! « C’est la région de l’expiation…ceux qui ont besoin d’être purifiés passent dans le Purgatoire ». Dans l’évangile d’hier, samedi de la 3ème semaine de Carême, nous entendions Jésus dire aux Pharisiens qui, devant lui, accusaient une femme d’adultère « que celui d’entre vous qui est sans péché lui jette la 1ère pierre ! » Par un reste de pudeur, tous s’en allèrent en commençant par les plus âgés. Resta la femme : Jésus ne voulut pas la condamner, il la renvoya en paix lui enjoignant de ne plus pécher. Personne d’entre nous n’aura non plus l’audace de se proclamer assez pur pour ne pas encourir le désaveu divin. Nous mourrions à l’heure même que nous aurions vraisemblablement à connaître le séjour en Purgatoire ! Pas plus que l’Enfer, le Purgatoire n’est un mythe. Sans doute la Sainte Ecriture n’y fait-elle que de superficielles allusions. Mais la Tradition chrétienne est claire et constante à ce sujet : « Il est certain, dit St Augustin, que les âmes des défunts sont soulagées par la piété des vivants…mais ces œuvres profitent à ceux qui, pendant leur vie, ont mérité qu’elles leur profitassent après la mort » Trois conciles ont défini la foi à ce sujet : on n’a donc plus à y revenir.

   Ce qui peut nous laisser perplexes c’est le genre de peines qui atteignent l’âme au Purgatoire ! Comme en Enfer, on trouve au Purgatoire la peine du dam et la peine du sens : mais il n’y a pas de comparaison entre leur durée et leur intériorité, en ces deux états.
   Nous avons d’abord à comprendre le pourquoi du Purgatoire. Nul péché n’est remis s’il n’a été effacé par le repentir, et expié par la pénitence. Or on peut mourir avec des fautes vénielles non pardonnées ou avec des pénitences insuffisantes pour des fautes mortelles ou pour les autres fautes vénielles. Ainsi l’âme peut n’être pas assez pure pour soutenir l’apparition de Dieu qui ne souffre rien de souillé devant sa face. De là, la nécessité d’un lieu moyen où la grâce est obligée d’attendre la gloire et de continuer dans la douleur sa purification que le repentir et la pénitence n’ont pas eu le temps d’achever sur la terre.

   Comment se fait cette purification ? Par l’intermédiaire de la double peine signalée tout à l’heure.

   Commençons par celle qui touche le plus notre sensibilité. C’est la peine du sens, souffrance causée de l’extérieur et qui éprouve l’âme d’une façon analogue aux douleurs sensibles de cette vie. Par quoi est-elle causée ? Par le feu répondra-t-on généralement. La difficulté que nous éprouvions à expliquer le feu de l’enfer demeure pour le feu du purgatoire. Il faut le comprendre comme une réalité, d’une nature qui nous échappe mais qui n’en est pas moins redoutable. Ce feu brûle sans détruire, il tourmente sans consumer. « Imaginez un membre jeté dans un brasier ardent mais qu’une force vitale surnaturelle régénérerait à mesure que le feu le consumerait, ce membre serait toujours intact et jamais entamé par le feu, mais, sans cesse étreint par lui, il aurait une douleur perpétuellement vive et lancinante, une sensation horrible de la brûlure, sans en subir les décompositions. C’est quelque chose d’analogue que souffre l’âme en Purgatoire toujours étreinte et jamais désagrégée. »

   Là ne se borne pas son tourment. Elle connaît une peine plus vive encore, celle du dam : c’est-à-dire l’éloignement de Dieu. Voilà une chose encore plus difficile à saisir pour nous qui nous accommodons trop vite parfois de nos indifférences envers Dieu sinon même de nos dédains.

   La volonté de l’âme au purgatoire la jette irrévocablement vers Dieu, elle lui appartient, elle le désire uniquement, mais sa douleur devient intolérable parce que l’union avec lui est durablement contrariée, son élan brisé. Elle constate que c’est sa faute à elle et sa douleur croît avec son amour. Elle sent sa faiblesse à recevoir la divine présence, de ne pouvoir aller plus loin ; obligée de se replier sur elle-même, elle palpe le vide qui l’entoure. C’est une vie languissante puisque le plus pur et le plus violent des amours échoue devant l’absence de la suprême beauté.

   Qu’en conclure ? Qu’il faut éprouver pour les âmes du Purgatoire ce que St Bernard appelle une grande compassion. Et à ce point de notre réflexion, il nous faut être réalistes et très loyaux. Les souffrances des âmes du Purgatoire dépassent toutes les souffrances terrestres (malgré leur joie de se savoir sauvées et l’espérance qui soutient leur épreuve). Or vous savez quelle attitude doit être la nôtre devant une souffrance qu’il nous est possible de soulager : c’est celle d’une intervention rapide et efficace.

   Nous voyons, de temps à autre, trop souvent à présent, des gens condamnés pour ce motif terrible « non-assistance à personne en danger ». Rester indifférents devant les souffrances des âmes du Purgatoire, négliger de leur porter secours nous ferait normalement condamner sous ce chef d’accusation devant le tribunal de Dieu. Et puis pensons que, assez vraisemblablement, nous aurons notre tour. Si l’aumône, au dire de l’Ecriture, couvre la multitude des péchés, combien cette aumône spirituelle pourra nous être d’un grand secours pour couvrir la multitude de nos déficiences.
   Il va nous rester à agir, cette semaine, en faveur des âmes du Purgatoire. Ce à quoi nous ne pensons pas assez en cours d’année doit devenir une préoccupation au cours du Carême. Ces chères âmes vont profiter de notre bonne disposition : qui leur refusera un secours facile ? A vous de trouver tel ou tel moyen pratique de soulager les âmes du Purgatoire…

   Et puis, si vous saviez la réponse et la récompense de votre intervention : Les âmes du Purgatoire qui peuvent quelque chose pour nous vous donneront leur désir intense et inassouvi de posséder Dieu, leur faim véhémente de Lui. Faites-le pour nous, ô saintes âmes. Amen !

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12 mars 2023 7 12 /03 /mars /2023 18:26

« Et le dernier état de cet homme devient pire que le premier » (St Luc 11)

   Ainsi sommes-nous bien avertis par notre Maître lui-même que le démon ne se tient jamais pour battu ! Malheur à celui qui relâche sa vigilance ! Lui, l’adversaire, il tourne en rond ; cherchant qui dévorer ! Malheur donc aussi à celui qui prétend pouvoir s’installer dans la tranquillité !

   C’est sans doute pourquoi, il nous faudra cette semaine, avec St Bernard sortir de la paix du cloître dans laquelle nous nous étions enfermés les 7 derniers jours, pour aller maintenant, ô surprise, en ENFER.

   Eh ! oui ! l’enfer. On va parler de l’enfer : car on ne parle plus guère de l’enfer. Et même pour être plus sûr qu’on n’en parlera plus, il se trouve des gens qui ont décrété que l’Enfer n’existait plus !

   Réfléchissons. Le catéchisme est chargé de nous transmettre les données de la Foi chrétienne. Or, je suis chrétien parce que je crois en Jésus-Christ. Et qui est Jésus-Christ ? Le Fils de Dieu et le Sauveur des hommes. Sauveur ? De quoi donc avions-nous besoin d’être sauvés ? De nos péchés n’est-ce pas ? Et pourquoi donc de nos péchés ? Là, il n’y a qu’une seule explication possible sinon, je rends inutile la Rédemption. Cette explication, très simple, très traditionnelle, très conforme à la foi de toujours, c’est que nos péchés entraînent la mort éternelle et que cette mort éternelle c’est la séparation définitive d’avec Dieu, c’est l’Enfer. Oui, je pourrais fort bien admettre que l’Enfer soit à la 1ère page du catéchisme, comme j’admettrais aussi bien qu’un livre de médecine me parlât d’abord de la mort, pour me dire ensuite tout ce qui pourra être entrepris pour éviter, ce que, au fond, la médecine a pour tâche de repousser aussi loin et aussi longtemps que possible, c’est-à-dire cette mort même !

   Jésus a parlé de l’enfer. Il nous en a fixé la durée éternelle, il nous en a décrit l’horreur : la géhenne de feu (comparaison ayant toute sa valeur pour les Juifs qui connaissaient cette vallée maudite où leurs pères idolâtres avaient offert leurs enfants en sacrifice par le feu au dieu Moloch, à la suite de quoi le roi Josias avait rendu ce lieu abominable en faisant jeter toutes sortes d’immondices et même de cadavres qui y étaient rongés des vers ou consumés lentement par des feux perpétuels.)

   Jésus nous en a dit le pourquoi : la sanction du péché doit être telle qu’il y ait une différence radicale entre l’observation de la loi morale et sa violation. La sanction du péché doit être telle que Dieu demeure le Maître Souverain. La sanction du péché doit durer aussi longtemps que la faute qui devient inexpiable par le pécheur après la mort.

   Ecoutons plutôt St Jérôme nous dire en quelques phrases lucides et lumineuses, ce qu’une raison bien équilibrée ne peut refuser : « Si après un long circuit et des siècles indéfinis a lieu une restauration universelle et s’établit une dignité égale de tous les militants (que nous sommes), quelle distance y aura-t-il d’une vierge à une prostituée, quelle différence entre la Mère de Dieu et, ce qui est horrible à dire, la femme qui se livre aux désordres publics ? Gabriel et Satan seront-ils égaux ? égaux les apôtres et les démons, les prophètes et les faux prophètes, les martyrs et les impies ? Imagine autant d’années que tu voudras, double les temps, amasse des siècles indéfinis de tourments ; si la fin de tous les hommes se ressemble, le passé ne compte pour rien. Car nous ne cherchons pas ce que nous aurons été autrefois, mais ce que nous devons toujours être. »

   Vous savez que la peine des damnés est double : la peine du dam, c’est-à-dire la privation de Dieu : donc pas de vision dite béatifique, c’est-à-dire porteuse, génératrice de bonheur, puisque le damné a rejeté Dieu obstinément : c’est la peine essentielle.

Il y a aussi la peine du sens : elle atteint le corps. Elle est marquée dans la sentence de condamnation : « Allez maudits au feu éternel ! » On s’est demandé, on se demande toujours quelle est la nature de ce feu ! L’Eglise n’a rien défini à ce sujet. Cependant, la croyance commune apporte un élément qui fait qu’on ne peut sans témérité s’en écarter. Cette croyance s’attache donc à un feu réellement physique mais dont la nature et les effets nous sont inconnus.

   Quant à savoir où se trouve l’enfer, il faut se rappeler que s’il peut être un lieu délimité, il est surtout un état : l’état, la manière d’être de ceux qui ont choisi contre Dieu et contre son Christ ; « Ne cherchons pas à savoir où il est, dit St Jean Chrysostome, mais plutôt comment nous pourrons l’éviter. »

   Comment éviter l’enfer : Cette semaine devra nous permettre de reconnaître les moyens de ‘négocier’ la Haine du péché :

-en voyant comment Dieu le châtie =chute des Anges rebelles ; condamnation d’Adam et d’Eve ; Passion et Mort de son Fils.

-en nous rappelant les effets du péché =privation de Dieu ; perte de la grâce ; gaspillage de nos mérites ; esclavage des passions ; l’enfer éternel dans l’autre vie, ou le dur séjour au Purgatoire.

-en considérant sa ‘malice’ (son caractère mauvais) =crime contre la majesté de Dieu ; injustice à l’égard de ses droits ; injure et ingratitude envers sa bonté ; tourment à l’encontre de Jésus et dédain de sa Rédemption. Cependant, concevoir la haine du péché sans la rendre effective serait une imposture !

   S’il faut craindre (et parfois, il n’y a guère que la crainte qui peut nous retenir sur le chemin du mal, ou nous le faire abandonner), rappelons-nous cependant qu’un fidèle habituellement préoccupé de plaire à Dieu reçoit les grâces nécessaires pour assurer son salut. Et puis, elles se demandent : en particulier celle de la persévérance finale !

Et puis nous saurons reconnaître que ce n’est pas sans raison que l’Evangile de ce jour se termine par une louange de Marie, Mère de Jésus…Alors que son Fils vient de parler du pouvoir pervers du démon, voilà qu’est amené le souvenir de Celle qui de son pied virginal a écrasé la tête du serpent infernal. Ainsi saurons-nous tourner nos prières vers la Sainte Vierge, refuge des Pécheurs, terrible à Satan, compatissante aux plus misérables : Priez pour nous, Sainte Mère de Dieu, maintenant et à l’heure de notre mort. Ainsi-soit-il.

  

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6 mars 2023 1 06 /03 /mars /2023 06:38

« Jésus les conduisit à l’écart sur une haute montagne » St Matt. 17/1

   Sans nul doute, il y a une similitude entre les textes qui introduisent le récit des évangiles de dimanche dernier et d’aujourd’hui. Dans celui-là, il nous était dit « Jésus fut conduit dans le désert par l’Esprit-Saint » - dans celui-ci « Jésus les conduisit à l’écart sur une haute montagne » : dans les deux cas, il se trouve un guide, dans les deux cas il y a une séparation d’avec le monde ordinaire et des soucis communs ; aux 2 fois on constate l’entrée dans une solitude. Mais la différence qui saute immédiatement aux yeux de l’esprit c’est dans le but poursuivi : dans le 1er cas Jésus se rend à l’écart pour être avec son Père et finalement rencontrer le diable - dans la 2ème circonstance, les disciples sont conduits à l’écart pour y découvrir, émerveillés, la gloire de leur Maître.

   J’en tirerai la conclusion suivante : il existe des solitudes hostiles, qui sont véritablement des déserts où l’on risque sa perte - et puis, il existe des solitudes sacrées où Dieu se révèle et où l’âme est éblouie.

   Nous avons voyagé, la semaine dernière, dans la région de la dissemblance, région hantée par le diable, affreux désert de la vie spirituelle. Le négoce qu’on y fait n’est qu’un profit de vanité, une affaire véreuse…Nous avons dit qu’il fallait passer, se dégager, renoncer à cette triple concupiscence de la chair, des yeux et de l’esprit, à l’accaparement des sens, des richesses, de l’orgueil.

   Où notre guide va-t-il conduire nos pas maintenant. Attendons-nous à une surprise. La seconde région dit St Bernard est : le paradis du cloître. Nous avons connaissance de ce mot ‘le cloître’ qui désigne, au sens restreint une construction sous forme de galerie, de promenoir qui se déroule autour d’une cour et qui dessert les bâtiments conventuels d’un monastère : il y en a de fort beaux et qui attirent la curiosité des amateurs d’art…Mais au sens premier et le plus étendu, le cloître, c’est bien tout le monastère, cet ensemble réservé à la vie des moines…

   Peut-il être question, vraiment, de mener une vie qui ait quelque rapport avec celle de ces moines, dont peu de gens comprennent l’utilité et dont beaucoup ignorent les véritables occupations ! St Bernard était moine : il ne pouvait faire autrement que de désirer le recrutement ! Remarquez qu’il s’en était chargé, lui, le jeune seigneur qui entraîna à l’abbaye de Cîteaux tout un groupe de parents et d’amis et en particulier ses 5 frères ! Mais il sait bien que le cloître ne peut devenir la terre d’élection universelle. Ce qu’il veut nous faire accroire c’est que tous nous avons besoin d’acquérir quelques unes de ces vertus qui, normalement, fleurissent en ce lieu privilégié.

   De tous temps les monastères ont eu un attrait sur de nombreuses âmes, et malgré le méprisable dédain dont une certaine tendance cléricale a voulu les entourer, ils demeurent des foyers de vie spirituelle, des refuges de paix et de prière pour ceux qui ont soif d’un peu d’infini…Il faudrait même ajouter que plus ces monastères sont fervents et fidèles à la véritable tradition monastique et plus ils sont fréquentés…

   Il nous faudrait donc prendre le temps de savoir et de comprendre quelle est cette vie du cloître. Et les remarques de St Bernard soulignent et rendent plus lumineux le texte de notre évangile de la Transfiguration. Car ne sont-ce pas quelques joies du cloître que les apôtres vont goûter au mont Thabor, avec Jésus glorifié :

-contemplation, joie de l’intimité divine « Seigneur, il nous est bon d’être ici »

-Service de Dieu, « Si tu veux, j’y dresserai trois tentes » dans le

-renoncement à tout ce qui n’est pas du domaine de Dieu « une tente pour toi, une pour Moïse, une pour Elie »

-dans la prise de conscience de l’indignité personnelle, dans l’humilité : les disciples tombèrent le visage contre terre,

-avec la connaissance qu’il faut en passer par la souffrance, la mortification « avant que le Fils de l’homme ne soit ressuscité des morts »

   Vous pouvez dire justement, reconnait St Bernard « Ce sont ici les pavillons de Dieu, ce lieu est terrible et il n’est autre que la maison de Dieu et la porte du Ciel »

   Nous allons donc entrer dans ce cloître mystique où le Seigneur veut que nous retrouvions la ressemblance avec lui. Il est le Saint, le trois fois Saint (sachons que ce mot veut dire le Séparé, celui qui est à l’écart) et il a dicté sa volonté : soyez saints parce que je suis saint.

Notre séjour au cloître nécessitera un peu de SILENCE (si indispensable à notre vie et si difficile à réaliser)

Et si nous avons su trouver la ‘concupiscence’ par laquelle Satan nous sollicitait, nous devrons non plus tellement, cette semaine, nous soucier d’y renoncer, mais plutôt ACQUERIR telle VERTU qui s’y oppose, puisque dans la région du cloître on reconstitue la ressemblance avec Dieu.

   Puissiez-vous entreprendre un bienfaisant négoce des richesses du cloître au cours de cette semaine. Vous devrez vous en tirer heureux et plus forts, prêts, comme nous y encourage St Paul à « marcher de manière à progresser de plus en plus ». Ainsi-soit-il.

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26 février 2023 7 26 /02 /février /2023 20:01

« Dieu a commandé à ses Anges de te garder dans toutes tes VOIES » Ps. 90/11

   Puisqu’aussi bien il faut nous « mettre en route » (cette route, cet itinéraire de retour à Dieu que nous propose le Carême), ne le faisons pas sans prendre une assurance ! Nous venons de la recevoir : Ps 90…

   Bien entendu, cela ne nous garantit pas contre les difficultés…mais, par contre, nous couvre dans tous les cas où nous aurions l’humilité et la sagesse de faire connaître nos besoins – et aussi dans les circonstances où, sans volonté vraiment perverse ou pervertie, nous serions victimes d’un de ces accidents qu’on appelle péchés, chutes d’ordre spirituel.

   A quel titre partons-nous sur cette route, route ardue dont Jésus nous a dit « Elle est resserrée la voie qui mène à la vie et il en est peu qui la trouvent ! » (St Matth. 7/14)

Se souvenant de la parabole des talents, St Bernard nous propose d’aller de région en région pour savoir comment négocier et trouver ainsi de quoi accroître notre dépôt.

Il nous demande de regarder d’abord JESUS « le Verbe du Père, le Fils Unique de Dieu, le Soleil de Justice, ce grand Négociant (qui) nous a apporté du haut des cieux le prix de notre Rédemption. » Car il s’agit bien là d’un négoce, le Christ devenant le change de ce trafic invraisemblable où « l’or est donné pour du plomb, le Juste pour le pécheur, le Fils de Dieu livré pour son serviteur, le Seigneur condamné pour son esclave. »

Et c’est au rappel d’un tel commerce (o admirabile commercium) qu’il convient d’employer le temps de la réflexion, mais aussi d’employer ses forces à s’en aller négocier dans ces régions que St Bernard nous fixe comme le territoire à traverser par celui qui est en quête de Dieu.

    « Jésus fut conduit dans le désert par l’Esprit Saint, afin qu’il y soit tenté par le diable ». Voilà donc où Jésus aboutit quand il commence de nous rechercher pour nous sauver : il arrive au désert et c’est pour y rencontrer le pire des pillards : le diable !

   N’est-ce pas là l’image même du monde ? St Bernard ne nous le cache pas. L’homme avait été fait à l’image de Dieu… « mais il n’a point compris son état quand il était dans l’honneur » De la ressemblance qu’il avait avec Dieu il est tombé dans la dissemblance : « O le détestable changement que celui de la gloire en la misère ! O chute malheureuse de tomber de la liberté dans la servitude »

Ainsi nous voilà dans cette région, qu’en raison de cet état de défiguration d’avec la ressemblance primitive avec Dieu, le saint docteur appelle la région de la dissemblance. C’est mal commencer notre itinéraire ? Apparemment oui, mais nous connaissons le profit que nous pouvons tirer même d’un état de misère : l’expérience guide la pensée et la volonté…et Jésus aux prises avec l’Adversaire, dans le désert, nous est un exemple bénéfique. « Ah, Seigneur mon Dieu, quel négoce que celui que nous faisons dans cette région de dissemblance !...Les uns qui y vont chercher des richesses, les autres qui courent après les honneurs, et ceux-ci qui sont emportés par les doux zéphyrs de leurs voluptés ! »

   Reconnaissons là, au passage, ce qu’en langage de vie chrétienne on appelle la triple concupiscence : c’est-à-dire un triple amour déréglé : la concupiscence de la chair, amour désordonné des plaisirs des sens qui conduit à la volupté sensuelle – la concupiscence des yeux, amour déréglé des biens de la terre qui mène à l’accaparement des richesses – la concupiscence de l’esprit, amour désordonné de soi-même qui aboutit à la passion des honneurs et de la gloire propre.

Il n’est pas un seul de nos péchés qui ne provienne de l’une de ces 3 sources, pas une seule tentation qui n’ait pour but de nous faire accepter une de ces 3 concupiscences.

Au Seigneur affamé Satan propose la satisfaction corporelle de la nourriture (bien sûr elle est légitime, mais le tentateur commence toujours par faire appel aux bonnes raisons : c’est une tactique éprouvée) – puis il lui souffle l’orgueil d’une mission qui commencerait par un prodige éclatant : la réussite, la gloire d’une arrivée exceptionnelle au milieu des foules – enfin la provocation à la puissance, à l’accaparement des biens universels. Les discours du Malin ne varient pas, car il trouve perpétuellement les mêmes complicités en ceux qui s’attardent au désert de ce monde. Je dis bien en ceux qui s’attardent : car il est de nécessité d’en sortir ! Il nous faudra, cette semaine, reconnaître par laquelle des 3 concupiscences nous nous trouvons le plus atteints : les sens, les biens matériels, l’orgueil de la vie. Travail de recherche et déjà effort de renoncement.

Pratiquement :-il nous faut non seulement renoncer aux plaisirs mauvais et sacrifier les plaisirs dangereux, mais bien plus se priver, pour endurcir sa volonté, de plaisirs permis.

-en face de la fascination des richesses, on tentera quelques efforts de dépouillement ;

-à l’encontre de l’orgueil, on fera quelques démarches d’humilité, on acceptera certaines humiliations.

   Voici maintenant le temps favorable !... « Et ne présumez pas de vous-même, car c’est là le commencement de tout péché, dit Bossuet dans son traité de la Concupiscence…Ne dites point : Je ne suis point souillé ; et ne croyez pas que Dieu ait oublié vos péchés parce que vous les avez oubliés vous-même ; car le Seigneur vous éveillera en vous disant : Voyez vos voies dans ce vallon secret : je vous ai suivi partout et j’ai compté tous vos pas. »

   Le diable le laissa ! Mais Jésus avait pris les moyens. Qu’avec sa grâce nous prenions ceux qu’il nous indique : « Au jour du salut, je t’ai secouru ». Qu’il en soit ainsi !

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19 février 2023 7 19 /02 /février /2023 16:02

   Chacun sait que le Carême représente la période de pénitence qui précède la fête de Pâques. Le mot Carême vient de QUADRAGESIME « quarantième » qui désigne toujours le 1er dimanche de Carême lequel arrive dans la quatrième dizaine des jours précédant  Pâques. C’était d’ailleurs à partir de ce dimanche que durant les premiers siècles on débutait l’observance du Carême.

   « Il y a, dit, au 6ème siècle, St Grégoire le Grand dans une de ses homélies, six semaines du premier dimanche de Carême à Pâques, ce qui donne quarante deux jours. Comme on ne jeûne pas ces six dimanches, il en résulte qu’il n’y a que trente-six jours de jeûne ; ainsi nous donnons à Dieu la dîme de l’année  (365 jours) »

   C’est d’ailleurs cette particularité d’un Carême dont le jeûne ne durait que 36 jours qui fit décider d’en avancer le début au mercredi précédent (lequel prit le nom de ‘in capite jejunii’) afin que fût complété le nombre de 40 jours effectifs de jeûne pour s’unir au jeûne du Christ dans le désert. Car évidemment c’est bien Notre-Seigneur lui-même qui a ‘inauguré’ le Carême par son exemple. Et les Apôtres statuèrent eux-mêmes (cela est attesté par les grands docteurs de l’Eglise) que la solennité de la Pâque serait précédée d’un jeûne universel.

   Un Jeûne, le jeûne ! Voilà la pénitence propre au Carême. Nous en douterions presque maintenant ! Cherchons à avoir quelques notions claires en ce domaine. « Le jeûne est une abstinence volontaire que l’homme s’impose en expiation de ses péchés et qui, durant le Carême, s’accomplit en vertu d’une loi générale de l’Eglise ». Voilà ce qu’écrit Dom Guéranger.

    Voyons l’histoire du jeûne à travers le Carême. Il fut d’abord très strict : - strict quant à l’usage des aliments : abstinence complète de la chair des animaux et même de ce qui découlait d’eux, le lait et les œufs, le beurre, la graisse. St Cyrille de Jérusalem nous apprend aussi que le vin était prohibé (il est à remarquer que ce point fut le premier qui céda !) – strict quant au moment où l’on prenait ses aliments : une seule fois par jour après le coucher du soleil.

   Or ce fut d’abord sur cette heure du repas que la discipline du Carême tendit progressivement à plus de facilité. Au 9ème siècle, on trouve déjà trace de l’habitude de prendre l’unique repas du jour à l’heure de l’office divin appelée None (neuvième heure, selon l’usage romain de la division du jour=3h de l’après-midi pour nous). D’adoucissement en adoucissement, pour ne pas rompre l’habitude de prendre le repas à l’heure de None, on finit par anticiper celle-ci en disant l’office correspondant avant midi (ainsi d’ailleurs que l’office de Vêpres qui suit celui de None) tant et si bien que prévalut la coutume de prendre son repas à midi. Mais on en était toujours à l’unique repas du jour.

   En raison du long intervalle qui s’écoule d’un midi à l’autre, on allait venir au secours de la faiblesse humaine et se conformer à un usage qui, chose étonnante, venait de chez les moines. Il faut dire qu’eux ne l’appliquaient pas au jeûne du Carême, mais à d’autres jeûnes en cours d’année. A ce moment-là, les Abbés des monastères accordaient à leurs religieux la liberté de boire sur le soir, un coup de vin avant les Complies (prière du soir). Ce petit soulagement se prenait en commun, au moment où l’on faisait la lecture du soir appelée ‘conférence’ en latin ‘Collatio’, parce qu’elle consistait principalement à lire les célèbres ‘conférences’ (Collationes) de Jean Cassien, un célèbre moine du 4ème siècle, né en Orient, et qui fonda chez nous, à Marseille l’illustre abbaye de Saint Victor.

   Ainsi vous connaissez maintenant l’origine de ce mot Collation qui s’applique au petit goûter du milieu de l’après-midi….car on remarqua dans la suite que l’usage de la boisson seule pouvait avoir quelque inconvénient pour la santé si l’on n’y joignait un léger morceau de pain.

   Pour en revenir au Carême, l’usage monastique de la Collation s’introduisit dans le peuple chrétien durant la Sainte Quarantaine, se traduisant par la prise d’une boisson accompagnée de pain, de salades, de fruits : toutes choses légères et mangées avec modération.

   Quant aux nourritures du repas de midi, si l’on s’abstint toujours de la viande elle-même (le poisson n’étant pas considéré comme une chair), au cours des siècles on vit s’introduire des dispenses sinon générales au moins locales ou pour certains jours, du beurre, du lait, du fromage, beaucoup plus rarement des œufs.

   Que reste-t-il du jeûne quadragésimal actellement ? 2jours= Mercredi des Cendres et Vendredi-Saint ; et 6jours d’abstention de viande les vendredis !

   Mais il est hors de doute que les trop grandes facilités de notre temps ont émoussé le sens et la pratique de la pénitence corporelle à des fins religieuses. Ne manquons pas d’envisager un Carême vrai, sérieux, dans lequel le jeûne aura sa place : faisons nôtres les paroles d’une de ces strophes par lesquelles l’Eglise grecque fait à son peuple l’annonce du Carême : « Livrons-nous au jeûne d’une âme joyeuse, ô peuples : car voici le commencement des combats spirituels ; rejetons la mollesse de la chair, accroissons les dons de l’âme. Comme serviteurs du Christ, souffrons avec lui, afin d’être avec lui glorifiés comme des enfants de Dieu, et l’Esprit-Saint faisant en nous sa demeure illuminera nos âmes. » Amen

 

 

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12 février 2023 7 12 /02 /février /2023 20:45

   Le temps de la Septuagésime nous permet de donner un sens plus accentué au mystère du Carême. En effet le mot SEPTUAGESIME exprime un nombre qui a une importance considérable dans la mystique : le nombre 70, et son dixième le nombre 7. Je ne peux vous faire  un exposé complet sur la valeur du nombre dans la science sacrée : mais son influence est prépondérante. Ainsi le nombre 70 qui nous intéresse se retrouve par exemple dans les 70 semaines d’années prédites par le Prophète Daniel pour l’accomplissement de notre Rédemption par le Christ – c’est en l’an 70 après le Christ que Jérusalem est détruite par les Romains – et pour ce qui nous intéresse directement ici : la captivité des juifs à Babylone dure 70ans. Or cette captivité qui suivit une terrible déportation exprime la longue expiation à laquelle fut soumis Israël : l’Eglise reprend cette idée de l’exil en ces jours de Septuagésime. Babylone, la terre étrangère et païenne symbolise à merveille « ce monde de péché au milieu duquel le chrétien doit passer le temps de l’épreuve. Jérusalem, la Cité Sainte est la patrie céleste au sein de laquelle il se reposera de ses combats ». Mais encore faudra-t-il qu’elle lui soit ouverte : Jésus s’en chargera par sa victoire en la fête de Pâques.

   « Que sommes-nous, ici-bas ? exilés, captifs, en proie à tous les périls que Babylone recèle. Si nous aimons la patrie (entendez Jérusalem et par delà le ciel), si nous avons à cœur de la revoir, nous devons rompre avec les faux attraits de cette perfide étrangère, et repousser loin de nous la coupe dont elle enivre un grand nombre de nos frères de captivité ».

   Déjà au temps de l’exil des Israélites, leurs vainqueurs leur demandaient au moins de chanter pour eux quelques uns des cantiques de Sion. Et les fidèles d’alors répondaient avec horreur « Comment chanterions-nous le cantique du Seigneur sur la terre étrangère. Que ma langue s’attache à mon palais si ne garde ton souvenir, Jérusalem »

   Défions-nous donc de ne trouver là que littérature. Dieu s’entend à donner des leçons, si, nous, nous semblons peu disposés à les comprendre ! Le slogan si actuel de l’ouverture au monde qui cache tant de compromissions et d’abandons, n’a pas cours ici quand il s’agit pour Dieu de nous demander un retranchement décidé et durable, exempt de toute profanation, c’est-à-dire n’acceptant pas de faire retourner à l’usage commun ou mauvais ce qui est réservé au service du Seigneur.

   Graves pensées qui, selon l’expression de Dom Guéranger, font une « trêve à cette fausse sécurité, à ce contentement de soi qui s’établissent trop souvent au fond des âmes molles et tièdes, et n’y produisent que la stérilité. Heureux encore lorsque ces dispositions n’amènent pas insensiblement l’extinction du véritable sens chrétien ! Celui qui se croit dispensé de cette vigilance continuelle tant recommandée par le Sauveur, est déjà sous la main de l’ennemi ; celui qui ne sent le besoin d’aucun combat, d’aucune lutte pour se maintenir et pour cheminer dans le bien, à moins d’avoir été honoré d’un privilège aussi rare que dangereux, doit craindre de ne pas être dans la voie de ce royaume de Dieu qui ne s’enlève que de vive force ; celui qui oublie les péchés que la miséricorde de Dieu lui a pardonnés, doit redouter d’être le jouet d’une illusion périlleuse. » Sans doute faudrait-il rappeler beaucoup de paroles de Notre Seigneur lui-même et qui ne nous découvrent pas la vocation de disciple comme une joyeuse partie quand le Maître a été si mal traité.

   Saint Paul se lève d’ailleurs, aujourd’hui, pour nous le redire dans l’épitre de la Sexagésime. «  Rendons gloire à Dieu dans ces jours que nous allons consacrer à la courageuse contemplation de nos misères, et venons puiser, dans la connaissance de nous-mêmes, des motifs nouveaux d’espérer en celui que nos faiblesses et nos fautes n’ont point empêché de s’abaisser jusqu’à nous, pour nous relever jusqu’à lui ». Amen

 

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6 février 2023 1 06 /02 /février /2023 06:53

   Nous allons nous arrêter, aujourd’hui, à contempler un personnage que l’Evangile nous décrit avec considération : « Et voici qu’il y avait à Jérusalem un homme dont le nom était Siméon, et cet homme était juste et craignant Dieu, attendant la consolation d’Israël ; et le Saint-Esprit était en lui. »

   Quelle était l’identité exacte, selon le monde, de ce Siméon ? On ne peut rien tirer de ce texte pour se prononcer. L’Evangile se contente de livrer son identité morale et spirituelle, selon Dieu. Un texte ancien d’un évangile dit apocryphe le présente comme prêtre.  Recevons ce simple avertissement de Bossuet : « Voici un homme admirable, et qui fait un grand personnage dans les mystères de l’enfance de Jésus »  (Elév. Sur les Mystères)

   Trois choses le caractérisent : -il est juste, -il craint Dieu, -il est dans l’attente.

-Il est juste : nous avons déjà rencontré ce terme. Il pourrait correspondre au mot saint, si ce n’est qu’il montre ici une disposition particulière aux saints de l’Ancien Testament. Ceux-ci ont une loi : la loi du Seigneur (Cette expression, vous l’aurez remarquée, dans le passage de l’évangile de ce jour, avec insistance). Cette loi est une loi de justice parce qu’elle trace une voie, un chemin de droiture, de rectitude. Venant de Dieu, elle est juste et elle justifie ceux qui la pratiquent. Il faut lire le psaume 18 : « La loi du Seigneur est immaculée, convertissant les âmes (c’est-à-dire les tournant vers Dieu. Les jugements du Seigneur sont vrais, pleins de justice en eux-mêmes ». Ces jugements sont les commandements parce que c’est par eux que Dieu juge les hommes.

   Le vieillard Siméon est donc un observateur scrupuleux de la loi de Dieu.
-Il craint Dieu : cette crainte est une révérence. Il n’y a pas d’amour de Dieu sans cette crainte révérencielle. Elle est liée à l’adoration, notre premier devoir. La Sainte Vierge, dans son Magnificat, en parle expressément : « Et misericordia ejus a progenie in progenies timentibus eum » Et sa miséricorde va de génération en génération à ceux qui le craignent. (On a voulu de nos jours établir un copinage avec Dieu : c’est insensé et pervers !...)

-Il est dans l’attente : cette remarque dénote elle aussi qu’on a à faire avec un saint de l’Ancien Testament. Une multitude d’âmes pieuses soupiraient après le Messie. Longue attente occasion de prières, de sacrifices et de larmes : voilà pourquoi le Sauveur est appelé la Consolation d’Israël : quand il paraîtra la joie renaîtra enfin !

   Le couronnement de ces trois dispositions vertueuses nous est signalé clairement : « le Saint-Esprit était en lui »

   Cette présence était active, stimulante, puisque le Saint Vieillard avait reçu une révélation qui déjà avait établi sa vie dans cette consolation qu’il avait attendue. Cette révélation touchait sans doute ses derniers jours ici-bas mais quelle lumineuse sortie de ce monde pour les yeux de sa chair, comme pour les yeux de son âme. « Il ne devait pas voir la mort sans avoir vu auparavant le Christ du Seigneur. » Le même verbe sert, en latin, pour désigner les deux visions : celle de la mort et celle du Christ. Ne serait-ce pas pour indiquer en quelque sorte que désormais le regard de Siméon ne pourrait plus jamais saisir que cette unique vision même au-delà de la mort. Il serait un de ceux qui, dans les limbes (les enfers) pourrait parler du Sauveur du monde. Il deviendrait une sorte d’évangéliste, porteur de la Bonne Nouvelle.

   Je m’arrête là : à chacun de nous de saisir dans cette lumière, cet homme admirable, ce grand personnage, en nous appliquant à reprendre pour notre compte ses propres dispositions :

-être scrupuleusement attachés aux commandements du Seigneur

-le craindre par révérence dans une fréquente adoration

-attendre la consolation quand nous gémissons, car Dieu veut que notre espérance soit soutenue d’une patience longue et infatigable

-et que le Saint-Esprit nous fasse la grâce de voir Jésus en cette vie. Non pas sans doute par une apparition (dont cependant il peut favoriser qui il veut) mais par cette faculté qu’il donne à l’âme de contempler dans la grâce et la paix intérieure celui qui est l’objet d’un service fidèle et d’un amour vigilant. Cette vision intérieure est donnée aux saints : pas seulement aux grands, à ceux dont on retient le nom et la gloire. Mais à tous les saints, c’est-à-dire ceux qui ont comme but de sanctifier leur vie ! Saint Augustin spécialiste des formules spirituelles condensées écrivait : « Que je meure afin de vous voir, et que je vous voie, afin de mourir maintenant »

Ce que développe le vénérable Louis du Pont : « Que je vous voie par la contemplation en cette vie afin que je meure à moi-même par la mortification, et que mourant d’une si heureuse mort, je mérite de vous voir éternellement dans votre gloire. »  Amen

 

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30 janvier 2023 1 30 /01 /janvier /2023 06:32

   La tempête sur la mer : Demandons-nous, d’abord, ce que cet Évangile signifie. Qu’est-ce qui a déterminé l’antique liturgie à choisir ce passage pour le dimanche que nous célébrons aujourd’hui ?

   a) y a-t-il dans l’apaisement de la tempête une « manifestation » du Seigneur ? Si le 2ème dimanche après l’Epiphanie, l’Église nous a présenté le miracle des noces pour nous montrer la gloire du Christ, c’est-à-dire sa divinité, le miracle d’aujourd’hui n’est pas moins propre à cette fin. Représentons-le nous. C’est la nuit. Les douze hommes rament. Soudain s’élève une tempête furieuse. Ces marins expérimentés connaissent sans doute la perfidie de la mer, mais cette fois, ils sont désemparés. Ils réveillent le Maître endormi. Jésus se lève, avec majesté et calme, il commande aux éléments en fureur et ceux-ci lui obéissent comme des chiens qui se couchent aux pieds de leur maître. Cette vision du Seigneur commandant avec puissance, les disciples ne l’oublieront pas de leur vie. C’était donc bien une «  manifestation » du Seigneur. — Mais était-ce bien l’intention de l’Église de nous montrer cette manifestation ?

   b) Ou bien l’Église voulait-elle représenter dans cette tempête les persécutions et les combats auxquels elle est elle-même en butte ? La barque de Pierre a toujours été considérée comme une image de l’Église du Christ. Comme le petit bateau, l’Église est de tout temps ballottée par la tempête, mais « les portes de l’enfer n’ont pas prévalu contre elle ». On a sans cesse vu, au cours des siècles, le Seigneur, qui semblait endormi, se lever, commander aux vagues et à la tempête et faire apparaître le calme et la paix.

   c) Ou bien pensons-nous à l’âme chrétienne en particulier ? Elle aussi est un petit bateau exposé à la rage du vent et des flots. Quel cœur chrétien est à l’abri des combats extérieurs et intérieurs ? Ce sont des afflictions de toutes sortes, des tentations, des souffrances, des persécutions. L’enfer conspire sans cesse contre le royaume de Dieu dans l’âme. L’Église pense-t-elle à ces tempêtes ? L’oraison du jour pourrait nous le faire croire, c’est une explication de l’Évangile.

   L’ermite saint Antoine avait été violemment tenté par le démon, mais avait résisté courageusement. Il vit enfin briller une lumière et demanda : « (Où étais-tu, Seigneur ? » Une voix lui répondit : « J’étais là, Antoine, mais j’attendais pour voir ton combat ; puisque tu as courageusement résisté, je serai toujours ton aide. » Que cela soit une consolation pour nous, combattons vaillamment et, en temps voulu, le Christ viendra et commandera à la tempête.

   d) Pourtant l’Église a peut-être voulu nous faire entendre les premiers accents du drame de la Passion. La pensée fondamentale du cycle de Noël était celle-ci : Le Christ a fondé sur la terre le royaume de lumière. Maintenant l’Église nous prépare au cycle pascal, dans lequel nous verrons d’abord la lumière combattue par les ténèbres. Cet accent de la Passion se fait déjà entendre légèrement à travers le temps de Noël, aujourd’hui il retentit dans le mugissement des flots en fureur. Nous ne tarderons plus guère à voir le Sauveur environné des flots de la douleur, il sera englouti par eux, mais il sortira vainqueur.

   e) C’est peut-être cette dernière pensée qui nous rapproche le plus de l’intention de la liturgie. L’Évangile est une image du combat et de la victoire pascale du Christ. Chaque dimanche est un dimanche de Pâques. Chaque dimanche nous célébrons la mort et la résurrection du Christ en nous-mêmes. Alors même que, pendant la semaine, nous aurions été ballottés par la tempête et les flots, à la messe du dimanche le Seigneur monte à bord de la nacelle, il commande à la tempête et achève la victoire de sa Résurrection. Chaque dimanche notre âme s’approprie quelque chose de cette victoire pascale. Ainsi chaque dimanche est un anneau de la grande chaîne qui va du Baptême jusqu’au dernier combat et à la victoire finale.

   La vie chrétienne est une tempête sur la mer. Comme le bon Dieu traite parfois rudement ses enfants ! C’est qu’il n’est pas comme ces mères déraisonnables dont la tendresse consiste à caresser et à gâter leurs enfants. Il est le premier à appliquer le principe de la Sainte Écriture : Celui qui aime son enfant n’épargne pas la verge. Et c’est pour notre bien. Les enfants de Dieu supportent mal les jours heureux ici-bas. L’histoire de l’Église et l’histoire particulière des âmes le prouvent. Comme l’Église était grande au temps des persécutions ! Les chrétiens détestés, persécutés, méprisés extérieurement, étaient, parfaits et saints. Mais, au moyen âge, quand l’Église brilla de son plus grand éclat et que les empereurs et les rois la dotèrent de biens terrestres, la lumière intérieure pâlit de plus en plus. Oui, il est bon pour nous, chrétiens, que notre situation extérieure ne soit pas trop bonne. Il est vrai que nous avons besoin de ce que le Sauveur exigea de ses disciples pendant la tempête sur le lac : une foi forte et une ferme confiance en Dieu. « Pourquoi avez-vous si peu de foi ? » La grande souffrance, les grandes épreuves, la grande misère peuvent être un remède, mais aussi un poison. Certains trouvent dans les souffrances, de nos Jours, le chemin qui mène à Dieu ; mais, pour beaucoup, la crise économique est un poison qui apporte la mort de l’âme. Priez, mes frères, pour tous ceux qui sont éprouvés, afin que leur misère et leur souffrance les purifient et les sanctifient. Aimons à penser surtout et souvent à ceux qui sont, comme nous, membres du corps du Christ et qui sont en butte à la tempête sur la mer. Voyons tel enfant de Dieu, qui est, à cause de sa foi, condamné aux travaux forcés. Jour après jour, sans dimanche, sans messe, sans communion, il lui faut abattre des arbres ; il est à peine vêtu, mal nourri et, sous le fouet des soldats, il s’avance peu à peu vers la mort. Combien de fois ces pauvres gens doivent crier vers le ciel : « Seigneur, sauvez-nous, nous périssons. » Pour ces pauvres, qui sont en même temps des riches, nous devons prier, afin qu’ils demeurent forts, afin qu’ils soient vainqueurs. Car leur souffrance nous profite à tous. Ils accomplissent et achèvent ce qui manque au corps du Christ. Mais ce n’est pas seulement dans ces pays où sévit la persécution. Chez nous, dans notre entourage, il y a des « tempêtes sur la mer », il y a la misère et les autres souffrances qui anéantissent. Portons secours là où nous le pouvons. Amen

 

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