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6 janvier 2020 1 06 /01 /janvier /2020 11:33

   Il est bien connu que le mot « épiphanie » signifie « apparition ». En latin cela se traduit par manifestatio. S’il ne s’agissait que d’une curiosité linguistique, cela n’aurait guère d’intérêt, mais en réalité tous les « mystères » - les grands moments - de la vie du Christ peuvent être compris sous le signe de la « manifestation », et cette lecture de l’Evangile prend alors une rare profondeur. Cela se comprend mieux si l’on se souvient des textes de Noël qui le rappellent avec insistance : Jésus paraît au moment où le processus par lequel Dieu s’est fait connaître dans l’histoire d’Israël arrive à son terme - à la plénitude des temps. Si l’ultime dévoilement de Dieu reste fixé à la fin des temps, la venue du Verbe en notre chair nous fait entrer dans les temps qui sont les derniers.

   Si l’on se souvient encore que ce dévoilement du Verbe dans le Christ s’accomplit selon la durée temporelle dans laquelle il est entré par sa naissance, on se rend compte du même coup que son épiphanie n’est pas l’affaire d’un seul moment, mais qu’elle s’étend à toute la durée de son existence. Ainsi les mystères de la vie du Christ apparaissent-ils comme les étapes de sa manifestation, et il est souverainement éclairant de voir à qui elles sont adressées et de comprendre ce qu’elles signifient.

   Si l’on excepte Marie et Joseph, qui ont bénéficié d’une révélation spéciale, immédiate, on peut distinguer ainsi l’apparition aux bergers, qui tiennent lieu de tout le peuple juif ; la manifestation aux Mages, qui représentent les nations païennes (ce que nous célébrons spécialement aujourd’hui) ; la manifestation à Anne et Siméon dans le Temple, qui sont les prémices de tous les justes qui reconnaîtront Jésus comme leur Seigneur. Mais le processus ne s’arrête pas aux tout premiers jours : le baptême du Christ est aussi un stade privilégié de son épiphanie, car à ce moment-là - grâce à la présence du Père qui le désigne comme son Fils bien-aimé, et à celle de l’Esprit qui repose sur lui - la véritable identité du Christ achève de se révéler au regard de la foi en même temps que la Trinité nous est aussi dévoilée. La dernière manifestation est celle de la croix où se révèle l’insondable profondeur de l’amour de Dieu pour le peuple des hommes. Mais il reste encore une étape : celle de la résurrection, qui se place elle aussi sous le signe de la manifestation par Dieu de la Justice, de la sainteté de son Fils et Serviteur, et qui sera le véritable point de départ de la manifestation, de l’épiphanie du Christ au monde entier par la mission des apôtres envoyés par le Ressuscité.

   Cette vision des choses est à la fois simple et grandiose. Modeste aussi. Ou plus exactement : humble. Humble comme seul Dieu peut l’être. Il aurait pu se manifester par un coup d’éclat au centre du monde de l’époque : à Rome, ou au moins à Jérusalem. Non ! Il a choisi pour naître un coin perdu de Judée. Il est apparu semblable à tous les autres enfants. Les Pères ont répété cette évidence à satiété. Elle n’en reste pas moins au cœur de notre foi et il ne nous est pas interdit de nous en inspirer. Il nous est peut-être arrivé jadis, étant plus jeunes, de rêver d’une vie chrétienne - ou même religieuse - plus flamboyante. Au lieu de cela, nous devons nous contenter de la dépenser jour après jour au service des autres de façon beaucoup plus besogneuse. Pour changer le monde, il faut commencer par soi-même et répandre autour de nous l’amour et la paix. Non pas exploser comme une étoile, mais diffuser comme une tache d’huile. Puisque le Seigneur s’est révélé ainsi, ce n’est sûrement pas indigne de nous.

   Alors, en ce jour, « Celui que les Mages ont adoré petit enfant dans une crèche, dit Saint Léon, adorons-le tout-puissant dans les cieux. Et comme les Rois firent de leurs trésors des offrandes mystiques au Seigneur, cherchons pareillement à trouver dans nos cœurs des dons qui méritent d’être offerts au Roi notre Dieu » (2ème nocturne de matines). Amen

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