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2 avril 2018 1 02 /04 /avril /2018 07:31

   Au centre de notre foi et de notre vie chrétiennes il y a la personne du Seigneur Jésus. Tout ce qu’il a dit et fait durant les trente années qu’il a vécues parmi nous a donc sa signification pour nous. Les trois derniers jours de sa vie terrestre ont pourtant une importance particulière. Nous avons beau y revenir chaque année et revivre avec le Christ pas à pas le mystère de notre salut, nous n’en finissons jamais d’en explorer la profondeur.

   Ce soir, nous recommençons à célébrer une nouvelle fois le mémorial de la passion du Seigneur. Par l’institution de l’eucharistie, Jésus réuni avec les siens autour de la table du repas pascal, anticipe ce qui va se produire le lendemain. Son corps percé sur la croix, son sang versé pour nous sont là désormais à notre disposition, comme le moyen qu’il nous laisse pour nous rassembler nous aussi autour de lui, en lui. Il est venu pour cela : rassembler dans l’unité les enfants de Dieu que le péché avait dispersés. Là où le péché et la haine séparent et désunissent, l’amour du Christ poussé à l’extrême rassemble et réunit.

   A défaut de pouvoir comprendre le mystère, nous savons bien tout cela. Nous le croyons. Mais il y a dans ce repas autre chose à quoi l’on pense trop peu. Il ya une autre façon encore d’approcher ce qui se passe dans cette célébration. C’est aussi le mystère d’une amitié et d’une présence. Mystère d’amitié, oui. Vous vous en souvenez : « Je ne vous appelle plus serviteurs ; je vous appelle amis »…Après avoir cheminé pendant près de trois ans sur les routes de Palestine avec les siens ; après avoir partagé avec eux la fatigue, la faim, la soif, les dangers de cette vie errante, Jésus a noué avec eux une relation qui n’est plus seulement celle d’un maître avec ses disciples, mais bien celle qu’on peut avoir avec ses plus proches. On sent dans les récits de la dernière Cène quelque chose de cette proximité. Comme si, parmi toutes les difficultés qu’il prévoit pour ces derniers jours, Jésus réalisait qu’il allait aussi devoir se séparer de ses amis. « J’ai désiré d’un grand désir manger cette Pâque avec vous »… De fait, il a pu craindre à un moment donné d’être capturé avant d’avoir pu réaliser ce vœu. Il s’en réjouit, mais il a aussi conscience que c’est la dernière fois. « Je vous le dis, je ne mangerai jamais plus cette Pâque avant qu’elle ne s’accomplisse dans le royaume de Dieu »…

   Se souvenir de cela aide à comprendre un peu mieux que l’eucharistie n’est  pas seulement la représentation du sacrifice de la Croix et de son œuvre de salut. C’est aussi le moyen qu’a trouvé Jésus de prolonger sa présence parmi nous. A ses amis -les siens-, dont on sent la peine qu’il a de les quitter, il laisse une dernière preuve d’amour. Il laisse le moyen de réactualiser sa présence parmi eux. Non pas seulement par le souvenir, comme nous le faisons pour des êtres aimés disparus. Mais bien dans la vérité que seule peut donner l’efficacité de l’agir divin ici à l’œuvre. Jésus nous laisse la possibilité de revivre encore aujourd’hui cette amitié en refaisant avec lui, présent parmi nous jusqu’à la fin des temps, les gestes mêmes qu’il a accomplis ce dernier soir. Ces gestes mêmes, nous les reprenons ce soir, car nous sommes, nous aussi, devenus ses amis, les « siens ». Le cœur de Dieu ne pouvait pas se satisfaire d’une poignée d’amis. Il lui fallait le monde entier.

   L’épisode des disciples d’Emmaüs - un des plus beaux du temps pascal - nous rappellera cela dans quelques jours. Jésus ressuscité marche avec eux un bon bout de chemin. Les deux hommes sont de bonne volonté, mais un peu naïfs. Ils s’imaginaient que Jésus allait aussitôt libérer Israël, inaugurer le royaume de Dieu… Au lieu de cela il est mort crucifié. Comment ne seraient-ils pas profondément déconcertés ?... Jésus reprend donc les Ecritures et leur montre qu’on n’entre pas si facilement dans le Royaume : « Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances pour entrer dans la gloire ?... » Il faut penser surtout à la fin de l’épisode. Les deux hommes ont repris courage, mais ils ont encore besoin d’une présence amie : « Le soir tombe et le jour touche déjà à sa fin, reste avec nous, Seigneur ! »…

Reste avec nous ! Le souhait de la constante présence de l’ami…Jésus procède alors à la fraction du pain…Il disparaît, mais il leur laisse le sacrement de sa présence - celui que nous célébrons ce soir. Notre cœur n’est-il pas encore tout brûlant au-dedans de nous quand il nous parle en chemin ?...

 L’eucharistie est bien le sacrement de l’amitié et de la présence de l’Ami. Il ne suffit pourtant pas de le savoir. Ni même d’y croire ! L’amitié est une relation mutuelle. L’Ami quant à lui est toujours là, jusqu’à la fin des temps. Il nous l’a dit et nous en sommes sûrs dans la foi. Mais sommes-nous présents à notre Ami ?... L’amour même qu’il nous porte est une provocation intime permanente. « Pierre, m’aimes-tu ? »… Comme Pierre, il nous faut apprendre à répéter notre réponse. Jusqu’à en être triste -comme Pierre l’a été !... Chaque nouvelle interrogation de Jésus nous fait découvrir que notre amour n’est pas encore tout à fait celui qui est attendu. Il n’y a pas seulement l’amour aisé des jours heureux. Il y a aussi l’amour coûteux des jours difficiles. Il nous faut nous aussi passer par bien des tribulations pour entrer dans le royaume de Dieu…

   La célébration de la Cène au seuil des trois jours saints nous rappelle aussi cela. Nous pouvons donc faire nôtre la prière des deux disciples. Le jour déjà touche à sa fin. Reste avec nous, Seigneur. Et que nos yeux sachent te reconnaître. Amen !

 

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